Froidfond, rayée de la carte

Froidfond supprimée ! Inconcevable pour nous Froidfondais. C’est pourtant ce qui s’est joué dans les années 1830 lors de la formation des Communes.

D’après un article du règlement général pour l’exécution des opérations cadastrales « les parties de terrains enclavées dans une commune, quoique administrées par une autre, sont de droit réunies à la commune sur le territoire de laquelle elles sont fixées. »

Les villages des Basses-Longeais, Plessis, Patis et Sableau enclavés de toute part dans le territoire de Froidfond lui reviennent de droit.

La Garnache  conteste le rattachement de ces villages à la commune de Froidfond pour preuve quelques extraits du registre des délibérations du conseil municipal du 29 août 1830, sous la présidence du maire François Guyard :

 

La commune de Froidfond est dépourvue de service spirituel et pour ainsi dire  d’administration civile alléguant que  l’irrégularité avec laquelle les registres de l’état civil ont été tenus fait éprouver à chaque instant des embarras multiples aux administrés qui ont besoin de faire usage des extraits des registres.

Les chemins reliant ces villages  au bourg de Froidfond sont impraticables les deux tiers de l’année et que pendant plusieurs mois, il serait impossible d’y conduire les cadavres même avec des charrettes.

Le chef-lieu (le bourg) de la commune de Froidfond moins grand et moins bien peuplé que chacun de ces villages n’est habité par aucun marchand, de sorte qu’on ne peut y trouver rien à acheter.

 

Quelques courriers échangés entre M.Guyard et la préfecture dénotent une certaine agressivité :

En opérant la délimitation de la commune, il a paru commode à Mr le géomètre de proposer le démembrement de cette belle commune de La Garnache pour joindre une parcelle de terrain de plus de cent hectares, habitée par cent vingt individus, à la petite commune de Froidfond, d’une population d’environ six cent âmes, dont le bourg se compose de six maisons habitées par trente individus, sans instituteur, sans église capable de contenir les habitants pendant les offices, enfin sans autorités civles organisées et sans individus capables d’administrer.

 

Le Maire M.Blanchard défend (âprement ?) … les intérêts de la Commune, repousse les allégations du conseil de La Garnache et proteste contre toute délimitation.

M.le préfet dans un courrier au ministère maintient sa position en faveur de Froidfond :

- La distance des villages de l’enclave est la même entre les deux communes

- les chemins existent, il ne s’agit que de les réparer pour les rendre viables. L’église est petite mais suffit jusqu’à présent à sa population.

 

12 septembre 1830 : le géomètre en chef du cadastre « est d’avis d’adopter pour limites entre les deux communes, celles consignées dans le procès-verbal de délimitation, du 25 mai 1830 et par conséquent, de considérer comme non avenue la réclamation de La Garnache. »

La Garnache n’acceptant pas cette décision, d’autres solutions sont envisagées, par exemple celle d’annexer à cette dernière l’enclave et la bande de terre qui est en cause, ou constituer une seule commune en intégrant Froidfond à La Garnache.

 

Le 9 décembre 1830, les directeurs des contributions directes, et du cadastre reprennent à leur compte cette dernière solution :

           

S’il plait à la petite commune de Froidfond de céder une partie de son territoire à la commune de La Garnache déjà composée de 6000 à 7000 ha pour lui donner passage sur le terrain contesté, l’administration du cadastre n’a pas le droit de s’y opposer, mais une ordonnance royale pourra seule légitimer cette cession qui sera contraire aux principes qui régissent la nature.

 

La question d’opportunité ne peut être traitée ici,  mais le directeur se croit obligé de déclarer en forme d’observation, que le territoire de Froidfond qui est déjà fort restreint sera réduit à rien par la cession que l’on propose, que tous les inconvénients que l’on reproche à cette commune seraient par cela même augmentés et qu’il serait infiniment plus rationnel de proposer la réunion totale des 2  communes que d’enrichir la plus riche et d’appauvrir la plus pauvre.

 

Le 10 janvier 1831 le conseil municipal proteste au nom de tous les habitants de la commune contre toute proposition d’adjonction de son territoire à celui de La Garnache dont ils entendent être étrangers quant à l’administration civile. Dans une lettre au préfet, Louis Blanchard, maire, déclare ne pouvoir accueillir favorablement les propositions faites par François Guyard, une pareille mesure serait trop préjudiciable à notre commune et qu’il ne concédera jamais la portion de terre demandée par La Garnache et qu’il repoussera par tous les moyens la menace qu’on lui fait de s’emparer des terrains existants (depuis l’enclave jusqu’à Saint-Etienne et jusqu’à la rivière de la Chochoire) le terrain proposé en échange n’étant rien, par rapport à ce qu’on lui demande.

D’autre part on nous objecte, que nous acquérons à bon marché  les villages de l’enclave, nous répondons que la loi nous les donne, que rien n’est mieux à soi que ce qui est donné par la loi, que nous ne faisons que rentrer dans la possession d’un terrain qui nous a appartenu et qui nous avait été enlevé par un seigneur puissant qui habitait La Garnache, à qui les habitants s’étaient rendus volontiers parce qu’il les exemptait des charges imposées par l’Etat, notamment du service militaire, aujourd’hui que le monstrueux colosse de la féodalité est heureusement renversé, nous rendre nos droits est une justice. Nous pouvons ajouter à l’appui de notre demande, que plusieurs des habitants des villages enclavés n’ont témoigné le désir de rester à La Garnache que par crainte de l’autorité locale, qu’ils ont déclaré devant nous qu’ils feraient le contraire s’ils ne craignaient de se compromettre.

De plus M.Doux ou (Roux), géomètre de 1ère classe a déclaré devant notre maire et le maire de Falleron « que nos antagonistes ont poussé la méchanceté jusqu’à défigurer le plan cadastral ». Voilà l’exacte vérité, or nous espérons bien que le ministre mettra de côté ce qui regarde le régime féodal et qu’il marchera d’après les lois qui nous régissent aujourd’hui, non pas d’après celles qui nous régissaient il y a 50 ans.

 

Le 24 mars 1832 lettre du préfet au maire :

S’il était possible de réunir cette commune à la vôtre déjà fort étendue, ce serait un moyen pour terminer la contestation.

Et François Guyard d’en rajouter en écrivant le 29 juillet 1832 :

Nous n’hésitons plus à faire appel au conseil d’état et aux chambres par votre intermédiaire, Monsieur le ministre, la demande formelle de la réunion de la petite commune de Froidfond à celle de La Garnache. L’expérience démontre chaque jour que l’idée d’augmenter la population de Froidfond est inconciliable avec la difficulté d’organiser une bonne administration municipale dans cette commune qu’il serait peut-être plus rationnel de faire disparaitre du tableau.

 

Le 21 mai 1832, M.Guyard maire de La Garnache suit :

Monsieur le Préfet,

Il serait aussi affligeant pour les habitants, que pénible pour moi, de voir notre Belle Commune se délabrer au profit du petit bourg pourri de Froidfond qui ne peut réellement sous tous rapports recevoir l’augmentation de population que l’on projette de lui adjoindre.

Ce démembrement serait d’autant plus amer et humiliant que nous verrions tout autour de nous disparaître du rang des communes les petits hameaux comme Froidfond, que l’on réunit de tous côtés aux communes du rang de la nôtre.

 

Le 16 septembre 1837, en échange de ces villages La Garnache propose :

le terrain que notre commune possède au-delà du chemin de la Sorlière à la croix de la Butte, ce qui nous enlèverait et attribuerait à la commune de Froidfond 75 ha de terrains et la métairie de la Fête. Observant qu’il serait pour le mieux et même dans les intérêts de Froidfond de réunir toute entière cette commune à celle de La Garnache, comme on a le projet de le faire au sujet de plusieurs autres petites communes de cet arrondissement et comme l’a déjà été celle de Coudrie à Challans.

 

Les échanges de courriers deviennent plus rares. Toutefois, le 9 juillet 1833, de la préfecture au ministère on peut relever :

Une portion de territoire dépendant de La Garnache mais enclavée de toute part dans Froidfond se trouve attribuée à la commune de Froidfond. La Garnache perd 120 habitants, 60 ha de terres et les cts communaux sur un impôt de 591,85 Fr. mais elle comprend 5961 ha et 3121 habitants et ses revenus en cts additionnels ordinaires sont de 912Fr. tandis que Froidfond, 2343 ha, 733 habitants n’a d’autres revenus que 156 Fr. en centimes additionnels.

 

Après plusieurs années de conflits la délimitation des communes fut enfin réalisée définitivement. Froidfond céda à La Garnache les terres qui sont en limite de Saint-Etienne-de-Mer-Morte, et récupéra celles de la métairie de la Fête et 75 ha aux alentours.

Les derniers courriers et comptes rendus concernant cette affaire datent de l’année 1859.

 

Merci à nos ancêtres qui se sont battus pour que Froidfond existe comme commune du canton de Challans !

 

Source : Le canton de Challans. Les communes et l’économie rurale des origines à 1940. Tome 1.

Editions : EthnoDoc-Arexcpo, 2010

 Avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur.